Si vous suivez de près l’actualité du LHC à haute luminosité (HL-LHC), vous avez certainement déjà entendu parler du « python », la nouvelle liaison supraconductrice développée au CERN. C’est un composant du nouveau système d’alimentation froide des triplets internes du HL-LHC, qui focaliseront plus étroitement les faisceaux de protons autour des points de collision d'ATLAS et de CMS.
Ce nouveau système regorge de technologies supraconductrices innovantes : des câbles supraconducteurs en diborure de magnésium (MgB2), torsadés ensemble pour former un faisceau compact d’environ 9 centimètres de diamètre, sont insérés dans un cryostat flexible de 22 centimètres de diamètre, doté d’un vide d’isolation et rempli d’hélium. Les câbles en MgB2 fonctionnent dans l’hélium à des températures allant d’environ 4,5 K (-268,7 °C) à 20 K (-253,2 °C). Les câbles supraconducteurs à haute température en REBCO font ensuite passer le courant de 20 K à 50 K (-223,2 °C) ; enfin, les amenées de courant assurent la transition de 50 K à la température ambiante. Ce système peut transporter un courant électrique continu d’environ 120 kA sur la distance requise, soit 85 mètres.
Alors que les câbles supraconducteurs des aimants du LHC doivent être maintenus dans de l’hélium superfluide (à 1,9 K, soit -272,2 °C) ou dans de l’hélium liquide (à 4,5 K), le nouveau système supraconducteur est capable de fonctionner à une température allant jusqu’à 60 K, soit -213,2 °C, une « haute température » en termes de supraconductivité. « Ce qui est formidable avec ce nouveau système, c’est qu’il fonctionne dans l’hélium. Le refroidissement cryogénique de la liaison supraconductrice ne coûte rien, parce que le système transporte de l’hélium gazeux qui est de toute façon nécessaire pour refroidir les amenées de courant. C’est l’un des avantages des supraconducteurs à haute température », explique Amalia Ballarino, responsable du lot de travaux concernant l’alimentation froide du HL-LHC.
La liaison supraconductrice entourée de son cryostat flexible peut être enroulée autour d’un grand touret et transportée comme un câble de transmission d’énergie classique. Ce nouveau type de système supraconducteur présente un immense potentiel pour les futurs accélérateurs, et pour des domaines, au-delà de la technologie des accélérateurs, où de grandes quantités de courant doivent être transportées, ainsi que pour le développement d’une aviation plus propre.
Le premier système d’alimentation froide du HL-LHC vient de passer ses premiers tests dans le hall de test SM18. Le python avait déjà été entièrement validé lors des précédentes phases de recherche et développement, mais c’est la première fois qu’un système complet de transport d’énergie, transférant le courant d’une température ambiante à celle de l’hélium liquide au moyen des technologies supraconductrices en MgB2 et en REBCO, est construit et validé dans des conditions d’exploitation réelles. La complexité du système est renforcée par la multiplicité des circuits qu’il contient. « Les 19 câbles supraconducteurs et les amenées de courant, pour des tensions nominales allant de 2 kA à 18 kA, ont transporté un courant continu total de 94 kA, le courant maximal que pouvait fournir la station d’essai, ajoute Amalia Ballarino. La compatibilité électromagnétique des circuits a pu être validée, et les tests d’isolation haute tension ont été concluants. Cette belle réussite est le résultat de dix années de recherche et développement. »
La prochaine étape aura lieu au début de l’été, quand le système d’alimentation froide sera transporté dans la chaîne de test des triplets internes du HL-LHC, où le comportement collectif du système de triplets internes sera testé avant d’être installé sous terre au LHC durant le prochain long arrêt technique (LS3), prévu pour 2026.
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Pour en savoir plus, lire l’article du CERN Courier (en anglais) publié en avril 2023.