S’il parvient brillamment à décrire les constituants fondamentaux de la matière et leurs interactions, le Modèle standard de la physique des particules reste néanmoins incomplet. Des expériences menées dans le monde entier ainsi que dans l'espace sont donc à la recherche de signes de phénomènes de nouvelle physique qui guideraient les physiciens vers une théorie plus complète.
Lors de la conférence bisannuelle ICHEP qui s'est tenue à Prague en début de semaine, la collaboration ATLAS a présenté les premiers résultats de ses recherches concernant une nouvelle physique à des énergies de collision record, en ciblant en particulier les monopôles magnétiques produits dans les collisions d'ions lourds, ainsi qu’aux particules à longue durée de vie créées dans les collisions proton-proton.
Les monopôles magnétiques sont des particules hypothétiques présentant un seul pôle, nord ou sud, ce qui leur confère une charge magnétique. Leur découverte démontrerait l’existence d’une symétrie parfaite entre électricité et magnétisme. Elle confirmerait en outre certains aspects des théories dites de « grande unification » de la physique des particules au-delà du Modèle standard, qui unifient aux énergies très élevées les forces forte, faible et électromagnétique.
Les scientifiques travaillant auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC) sont à la recherche de monopôles produits lors de collisions à haute énergie. Les monopôles seraient fortement ionisants ; autrement dit, ils arracheraient des électrons aux atomes qu’ils rencontrent et laisseraient des traces d’importants dépôts d'énergie dans les détecteurs de particules.
Dans le cadre de nouvelles recherches concernant la production de monopôles magnétiques, la collaboration ATLAS a analysé ses premières données de collisions d'ions lourds (plomb-plomb) issues de la troisième période d’exploitation du LHC, recueillies à l’automne 2023 à l’énergie inédite de 5,36 TeV par paire de nucléons (protons ou neutrons). Plus précisément, les équipes d'ATLAS ont étudié les collisions ultrapériphériques, dans lesquelles les ions n'entrent pas en collision de manière centrale via l'interaction forte, dont la portée est courte, mais passent suffisamment près du point d’interaction pour interagir via la force électromagnétique, plus faible mais à longue portée. Les collisions d’ions plomb peuvent produire les plus forts champs magnétiques de l'Univers, dont l’intensité peut atteindre 1016 teslas.
Si une paire de monopôles magnétiques était produite dans de telles interactions, il s'agirait du seul système de particules présent dans un détecteur par ailleurs vide, et ce système se manifesterait sous la forme d'un nuage concentré d'électrons issus du processus d'ionisation. En recherchant les caractéristiques spécifiques du signal et en analysant les bruits de fond pouvant être confondus avec ce signal, ATLAS n'a décelé aucun signe de la présence de monopôles dans les données de collisions d’ions lourds issues de la troisième période d’exploitation.
Le résultat obtenu par ATLAS établit par conséquent les meilleures limites au monde pour le taux de production de monopôles créés dans des collisions ultrapériphériques d'ions lourds pour des masses de monopôles inférieures à 120 GeV. L’analyse effectuée établit en outre une méthode pour l'étude des particules fortement ionisantes dans les données de collisions d'ions lourds du LHC et d’autres machines.
La plupart des recherches concernant une nouvelle physique visent à découvrir de nouvelles particules qui se désintègreraient de façon prompte, les produits de cette désintégration étant émis à partir des points d'interaction proton-proton du LHC. Toutefois, certaines théories de physique au-delà du Modèle standard, y compris la supersymétrie, prédisent également des particules à longue durée de vie dont les produits de désintégration seraient émis loin du point d'interaction. Des techniques spécifiques sont nécessaires pour reconstituer les trajectoires de ces particules, lesquelles peuvent avoir échappé à la détection lors de recherches antérieures.
La collaboration ATLAS a publié les résultats d'une nouvelle recherche d'une paire de particules à longue durée de vie, chacune se désintégrant en un électron, un muon ou un lepton tau, ce qui se traduit par deux traces de particules qui sont décalées par rapport au point d'interaction d'ATLAS (voir l'image ci-dessus) – signature rare qui pourrait être le signe d'une nouvelle physique. ATLAS a notamment recherché une nouvelle signature dans laquelle l'une des particules à longue durée de vie parcourt une distance suffisante avant de se désintégrer pour que seul un électron isolé soit détecté.
Il s'agit des premières recherches d’ATLAS de ce type s’appuyant sur les données de collision proton-proton à 13,6 TeV issues de la troisième période d’exploitation du LHC. En préparation de la troisième période d’exploitation, les équipes d'ATLAS ont amélioré la sélection en ligne des événements de collision – le système de déclenchement – et la reconstitution des traces décalées, ce qui a permis les récentes recherches de nouvelles particules à longue durée de vie.
La production d'événements dans toutes les régions de recherche concorde avec les prédictions du Modèle standard. Ces résultats fixent les limites les plus strictes à ce jour pour les partenaires supersymétriques à longue durée de vie des électrons, des muons et des leptons tau.
Grâce aux données supplémentaires que le LHC et le LHC à haute luminosité permettront d’obtenir, les équipes d’ATLAS poursuivront leur quête de particules à longue durée de vie, de monopôles magnétiques et d'autres particules hypothétiques, tout en affinant leurs techniques de recherche et en élaborant de nouvelles stratégies d’expérimentation.