Un monopôle magnétique est une particule théorique ayant une charge magnétique. Ajoutez-lui une charge électrique, et vous obtenez une autre particule théorique, appelée dyon. Si, parmi les théories de « grande unification » de la physique des particules, qui réunissent aux énergies élevées les forces fondamentales en une seule, beaucoup prédisent l'existence des dyons, aucune expérience auprès d'un accélérateur n'avait toutefois cherché ces particules hybrides... du moins jusqu'à maintenant. La collaboration MoEDAL au CERN, dont la mission consiste à chercher des monopôles magnétiques, vient de réaliser une double première : la première recherche de dyons auprès du Grand collisionneur de hadrons (LHC), qui est aussi, plus largement, la première recherche de dyons auprès d'un accélérateur de particules.
La collaboration a mené cette recherche en utilisant le deuxième sous-détecteur de l'expérience, qui est composé d'environ 2 400 barres d'aluminium, pour une masse totale de 794 kilos. Ces barres ont été exposées à des collisions proton-proton produites dans le LHC à une énergie de 13 TeV, entre 2015 et 2017. Un dispositif spécial a été utilisé pour scanner les barres et y chercher la présence de charges magnétiques qui y auraient été piégées et qui appartiendraient à des dyons.
Cette opération n'a pas révélé de signes de dyons. Toutefois, en suivant l’hypothèse selon laquelle les dyons seraient produits lors des collisions sous forme de paires issues d'un photon, l'équipe de MoEDAL a pu, avec ce résultat négatif, réduire le champ dans lequel se déroule la recherche des dyons. Les scientifiques ont ainsi éliminé l'existence de dyons ayant une charge magnétique allant jusqu'à six unités d'une charge magnétique fondamentale (la charge de Dirac) et une charge électrique allant jusqu'à 200 fois la charge de l'électron – pour les dyons ayant une masse comprise entre 830 et 3 180 GeV.
James Pinfold, porte-parole de MoEDAL, nous en dit plus sur ce sujet : « L'hypothèse de l’existence du dyon a été émise pour la première fois par Julian Schwinger, lauréat du prix Nobel en 1969. Il s’en est servi pour élaborer ce qu'il a appelé un modèle magnétique de la matière. Il a utilisé ce modèle à merveille et a ainsi prédit avec succès l'existence de la particule J/Psi, qui allait être découverte en 1974. Aujourd'hui, les dyons sont prédits par de nombreuses théories de physique des particules. J'étais donc surpris, bien sûr, qu'avant la quête menée par MoEDAL, aucune recherche expérimentale explicite de cette particule si intéressante n'ait jamais été réalisée auprès d'un accélérateur. »
La collaboration se prépare maintenant à poursuivre sa recherche de monopôles et de dyons, ainsi que d'autres particules exotiques, pendant la prochaine campagne du LHC, qui commencera en 2021. « Nous prévoyons d'augmenter la sensibilité de notre expérience afin de pouvoir chercher d'autres avatars de phénomènes de la nouvelle physique, y compris les particules à charge fractionnaire, avec des charges aussi faibles qu'un millième de la charge élémentaire, et les particules neutres interagissant faiblement à très longue durée de vie. La prochaine campagne devrait être vraiment passionnante », conclut James Pinfold.