La collaboration CMS a publié récemment de de nouveaux résultats concernant la recherche de leptons neutres lourds (dits HNL) à longue durée de vie. Le HNL, également appelés « neutrinos stériles », sont des particules hypothétiques qui pourraient résoudre trois énigmes majeures de la physique des particules : ils pourraient expliquer la faible masse des neutrinos (par le mécanisme dit de bascule ou « see-saw »), et expliquer également l'asymétrie matière-antimatière dans l'Univers et enfin ils pourraient constituer une particule candidate à la matière noire. Ces particules sont cependant très difficiles à détecter car elles n'interagissent que très faiblement avec les particules connues. Cette analyse est un exemple des méthodes créatives utilisées pour détecter des particules autres que celles pour lesquelles les détecteurs ont été conçus.
La plupart des particules étudiées dans les grandes expériences LHC ont une chose en commun : elles sont instables, et se désintègrent presque immédiatement après avoir été produites. Les produits de ces désintégrations sont généralement des électrons, des muons, des photons et des hadrons - des particules bien connues, pour lesquelles ont été conçus les grands détecteurs de particules. L'étude des particules à courte durée de vie s'appuie sur une analyse minutieuse des produits de désintégration observés. Beaucoup des résultats majeurs du LHC ont été obtenus ainsi : le boson de Higgs se désintégrant en paires de photons et en quatre leptons, par exemple, ou encore les études du quark top, ou bien la découverte de nouveaux hadrons exotiques.
Pour les HNL étudiés dans cette analyse, il faut une approche différente. Il s'agit de particules neutres ayant des durées de vie relativement longues, ce qui leur permet de parcourir plusieurs mètres sans être détectées, avant de se désintégrer quelque part dans le détecteur. L'analyse présentée ici porte sur les cas où un HNL apparaît après la désintégration d'un boson W dans une collision proton-proton, avant de se désintégrer à son tour dans le système à muons du détecteur CMS.
Le système à muons constitue la couche extèrieure de CMS ; comme son nom l'indique, il a été fait pour détecter les muons. Les muons produits dans les collisions proton-proton du LHC traversent la totalité du détecteur, en laissant une trace dans le trajectographe interne puis une autre dans le système à muons. C'est en combinant ces deux traces pour reconstituer les trajectoires que les physiciens arrivent à identifier les muons et à mesurer leurs propriétés. Dans la recherche de HNL, au lieu de s'intéresser aux muons, on s'intéresse à une particule lourde interagissant faiblement, qui ne laisse aucune trace jusqu'au moment où elle se désintègre. Si elle se désintègre dans le système à muons elle peut produire une gerbe de particules clairement visible dans les détecteurs de muons. Mais, contrairement aux muons, elle ne laisse aucune trace dans le trajectographe interne, et ne manifeste aucune autre activité dans le système à muons. Cette analyse s'appuie donc sur la recherche d'agrégats de traces inexpliquées dans les détecteurs de muons.
L'analyse a commencé par la sélection d'événements de collision présentant un électron ou un muon issus de la désintégration du boson W et un groupement distinctif de traces dans le système à muons. D'autres spécifications étaient nécessaires pour exclure les cas où des processus standard pouvaient imiter le signal d'un HNL. Après achèvement de l'analyse, aucun signal excédentaire par rapport aux résultats attendus n'a été observé. En conclusion de cette étude, une gamme de paramètres possibles du HNL a été exclue ; ce résultat représente les les limites les plus restrictives à ce jour pour des HNL ayant des masses de 2-3 GeV.
Pour en savoir plus, voir la publication de CMS ici.