Le LHC recommence à fournir des collisions aux expériences après la réparation de la fuite, opération menée à bien en août. Mais, cette fois-ci, ce ne sont plus des faisceaux de protons, mais des faisceaux d'ions qui circuleront ; ce sera la première exploitation de l'accélérateur avec des ions lourds depuis cinq ans. Par comparaison aux campagnes précédentes, les noyaux de plomb entreront en collision avec une énergie accrue, soit 5,36 TeV par paire de nucléons (contre 5,02 TeV précédemment), et le taux de collisions a augmenté d'un facteur 10. L'objectif de physique essentiel de cette campagne est l'étude d'un état de la matière mal connu, appelé plasma quarks-gluons, dont on pense qu'il aurait rempli l'Univers jusqu'à un millionième de seconde après le Big Bang ; cet état pourrait être recréé en laboratoire au moyen de collisions d'ions lourds.
Dans le plasma quarks-gluons, les quarks (particules qui constituent les hadrons, comme par exemple le proton et le neutron) et les gluons (porteurs de l'interaction forte) ne seraient plus liés ensemble. Ce n'est que dans les conditions les plus extrêmes que les quarks peuvent exister séparément ; normalement, ils sont confinés à l'intérieur d'hadrons. Lors des collisions d'ions lourds, cependant, des centaines de protons et de neutrons se heurtent, formant un système ayant une densité et une température telles que les noyaux en collision entrent en fusion, et qu'il se forme, à une échelle minuscule, un plasma quarks-gluons, la substance la plus chaude connue à ce jour. À l'intérieur de ce plasma, quarks et gluons peuvent se déplacer librement pendant une fraction de seconde, jusqu'à ce que le plasma entre en expansion et se refroidisse, pour reformer des hadrons.
La campagne de collision d'ions lourds en cours devrait amener des avancées significatives dans notre compréhension du plasma quarks-gluons. Outre les paramètres améliorés des faisceaux d'ions plomb, plusieurs améliorations importantes ont été apportées aux expériences qui détectent et analysent les collisions. ALICE, expérience qui se concentre essentiellement sur les études du plasma quarks-gluons, a maintenant recours à un mode de traitement des données entièrement nouveau, sans sélection des collisions, ce qui conduit à enregistrer jusqu'à 100 fois plus de collisions par seconde. De plus, l'efficacité et la précision de la reconstitution des trajectoires a augmenté en raison de l'installation de nouveaux sous-systèmes et d'améliorations des systèmes existants. CMS et ATLAS ont également optimisé leur infrastructure d'acquisition de reconstitution et de sélection de données, pour tirer parti au mieux des taux de collision plus élevés. ATLAS a installé des calorimètres à zéro degré améliorés ; ces équipements sont critiques pour la sélection des événements, et apportent de nouvelles capacités de mesure. LHCb, outre ses études de collisions plomb-plomb s'appuyant sur un système de trajectographie amélioré, prépare actuellement un programme unique en son genre de collisions sur cible fixe ; des noyaux de plomb percuteront d'autres types de noyaux au moyen d'un dispositif dit SMOG 2, qui permet l'injection de différents gaz dans la zone de collision du LHC.
Les études du plasma quarks-gluons dans cette campagne de collisions d'ions lourds seront centrées sur la production de quarks lourds, d'états quarkoniums, de photons réels et virtuels et d'états nucléaires lourds. Le nombre accru de collisions devrait permettre la mesure de la température du plasma au moyen du rayonnement thermique sous la forme de paires de photons et de paires électron-positon. Les propriétés hydrodynamiques de cet état de la matière proche du liquide parfait seront mesurées de façon plus précise, au moyen d'une « tomographie » utilisant des particules telles que les quarks c ou b produits dans la phase initiale de la collision, qui traversent le plasma et sont détectés ensuite. Toutes ces mesures auront une précision inédite.
Outre des études du plasma quarks-fluons, les expériences s'intéresseront à des collisions dites « ultra-périphériques » d'ions lourds, c'est-à-dire se produisant lorsque les faisceaux n'entrent pas en collision directe, mais qu'un faisceau émet un photon de haute énergie qui vient frapper l'autre faisceau. Ces collisions seront utilisées pour sonder la matière gluonique à l'intérieur du noyau et pour étudier des phénomènes rares tels que la diffusion lumière-lumière et la photoproduction de leptons τ.
Cinq ans après la dernière campagne de collisions d'ions lourds, il y a beaucoup d'attentes !