C'est une première pour le Grand collisionneur de hadrons (LHC), et même pour un collisionneur de particules : la collaboration FASER a détecté les premiers candidats pour l'interaction des neutrinos produits dans les collisions du LHC. Le résultat, présenté dans une pré-publication, ouvre la voie aux études des neutrinos de haute énergie dans les collisionneurs actuels et futurs.
Les neutrinos sont les particules fondamentales massives les plus répandues dans l'Univers. S'ils ont déjà été détectés en provenance de nombreuses sources, ils n'ont, pour le moment, jamais été directement observés dans les collisionneurs, bien que ceux-ci produisent ces particules en abondance. L'étude de ces neutrinos produits dans les collisionneurs pourrait jeter un nouvel éclairage sur la nature de ces particules fondamentales, encore énigmatique. En outre, il n’existe encore que peu d’études sur leur interaction faible avec la matière lorsqu'elles sont produites à haute énergie, ce qui est le cas dans les collisionneurs.
Les détecteurs FASERν, issu de l'expérience FASER, et SND@LHC, récemment approuvé par le CERN, ont tous deux été conçus pour capter les neutrinos produits dans les collisionneurs. Ils devraient être installés dans le LHC au cours de 2021, et commencer à acquérir des données lors du redémarrage de la machine en 2022. La collaboration FASER a toutefois eu la chance de réaliser quelques mesures avant l'heure : à la fin de 2018, un prototype réduit de FASERν a en effet collecté l’équivalent de quatre semaines de données de collisions protons-protons, juste avant l’arrêt du LHC pour des travaux de maintenance et d’amélioration.
Après avoir analysé les données acquises par le détecteur pilote et relevé un bruit de fond susceptible de reproduire le signal issu des interactions de neutrinos, l'équipe FASER a trouvé plusieurs événements candidats pour les neutrinos produits dans les collisionneurs. Le résultat a une signification statistique de 2,7 écarts-types (ce n’est qu’à partir de 3 écarts-types qu’on peut affirmer qu'il existe des indices de la présence d'une particule ou d'un processus en physique des particules).
« Avec le détecteur pilote, nous souhaitions démontrer qu’il était possible de mesurer des neutrinos dans l’environnement expérimental du LHC, a déclaré Jamie Boyd, co-porte-parole de FASER. C’est pourquoi nous sommes très heureux que ce petit détecteur, qui ne représente qu’un pour cent de l’appareil final, nous ait permis de voir les premiers événements candidats pour les interactions de neutrinos dans un collisionneur. »
L'équipe estime que le détecteur FASERν, dans sa version définitive, lui permettra d'observer environ 20 000 interactions de neutrinos créés dans les collisionneurs au cours de la prochaine période d'exploitation du LHC, qui s'étend de 2022 à 2024.
_____
Lisez aussi l’article du CERN Courier (en anglais).